The Bachelor

October 16th, 2013

Grâce au service public, j’ai appris les pitchs des cinq romans les plus vendus entre août 2012 et août 2013. Dans La vérité sur les haricots verts de Joël Dicker, Demain, j’aimerais que tu m’attends quelque part, seras-tu là, de Placide Musso et Inferno, de David Ciccone, il y a un personnage professeur d’université. Dans cinquante nuances d’Earl Grey et le Sermon sur la chute de Rome, non, mais presque.

Du coup, j’ai revu mes projets de best-seller pour prendre en compte ces données. Je suis donc en train d’écrire l’histoire d’un trentenaire désabusé qui décide de tout plaquer pour enseigner le droit canon à Navarone. Ou alors un roman haletant dans lequel un jeune étudiant doit rallier Pérolles à Miséricorde en quinze minutes pour ne pas rater le début de son cours de méthodologie appliquée, mais en chemin des professeurs de théologie ninja essaient de l’arrêter alors il va boire une bière aux Grands Places. Ou bien encore une ½uvre touchante, dans laquelle une professeur de français dans une prestigieuse université française, passionnée par son travail, au détriment hélas de sa vie personnelle, apprend à ses étudiants les plus brillants à écrire leur prénom. Ou alors l’histoire de Kikinou, la chatte angora professeure de statistiques appliquées, qui danse la ronde de l’amitié avec tous ses amis, Pélican, le canard assistant en sociologie et Klaus, la loutre doctorante en théories de la communication sociale.

Puis je me suis souvenu de l’époque où, jeune et insouciant, j’usais mes culottes sur les bancs de l’Université (et ça a été difficile parce que bon, j’y allais encore moins souvent qu’un protagoniste moyen d’Hélène et les garçons) et de ce brillant cours d’Histoire, “le sud de la Moldavie entre juin 1917 et octobre 1917, évolution de la culture de betteraves fourragères”. Mais le professeur qui le donnait, un homme ô combien passionnant, portait une barbiche et des pulls, et je me suis dit que ça n’allait pas faire un très bon héros. Alors j’ai repensé à cette amusante anecdote à propos de mon professeur de droit des médias : il avait un bateau. Ça sera un best-seller très court, rep a sa Amélie Nothomb.

Puis je me suis demandé : Pourquoi les professeurs d’université fascinent-ils autant que les vampires ? Pourquoi assurent-ils aux auteurs qui les choisissent félicité et prospérité, alors qu’eux, pendant ce temps, continuent de donner des séminaires de macro-économie II (présence obligatoire) ? Pourquoi, dans toutes ces ½uvres majeures de la littérature moderne que sont les romans de Brown et Musso, les professeurs sont-ils si flamboyants, alors que dans la réalité, la chaire est triste, hélas ?

Je ne sais pas. Je n’ai aucune thèse. Sans doute à cause de la licence poétique.

Time machine

October 4th, 2013

N’empêche, quand ils ont conçu la vie, ils ont pas tellement réfléchi aux détails. Par exemple, ils ont absolument pas prévu de fichiers de sauvegarde, alors que ça tombe sous le sens, quand même.

Ça serait super pratique. En cas de major failure, nouveau boulot qui avait l’air bien mais finalement pas tant que ça, superbe maison en bordure de la future autoroute, décision de reprendre le sport, retour de l’être aimé, on pourrait revenir à la dernière sauvegarde, comme quand tu décides d’attaquer les Incas dans Civilization VII et qu’en fait c’était une super mauvaise idée, lol. Comme quand tu lisais des Livres dont vous êtes le héros et que tu devais tourner les pages avec le nez parce que tous tes doigts te servaient déjà à marquer un paragraphe délicat où tu pourrais bien devoir revenir en cas de grabuge.

Il y aurait les inquiets de nature. On les verrait errer, l’âme en peine, incapables de répondre à la question “la mémoire est pleine, êtes-vous sûr de vouloir écraser la dernière sauvegarde”, parce que tout de même, c’était juste avant de décider “plutôt des croissants ou un pain à la chocolatine ?”, et bon, c’est pas une décision qui se prend à la légère alors bon.

Il y aurait les désorganisés, incapables de nommer correctement leurs fichiers de sauvegarde, les distraits, qui se tromperaient de bouton et devraient recommencer leur vie à zéro alors qu’ils voulaient juste revenir au moment où ils avaient dit “mais bien sûr que c’est à gauche, enfin”, il y a cinq minutes. Les insatisfaits de nature, qui revivraient la même journée encore plus souvent que Bill Murray.

Et puis le commun des mortels, les gens qui se diraient “ah oui, ça fait longtemps que j’ai plus fait de sauvegarde, tiens, faudrait que j’y songe, mais bon, pas ce soir, ça prend trop de temps, allez demain”, puis, un jour, “non finalement c’était une connerie d’accepter cette invitation chez les Poucherolles, allez, on revient à la dernière sauvegarde… Non, non, je veux pas aller à l’école, regarde, j’ai de la fièvre !”

Il y aurait aussi les gens qui sauvegardent régulièrement et soigneusement, mais un jour, “le fichier de sauvegarde est corrompu, restauration de la sauvegarde précédente, non, non, je veux pas aller à l’école, regarde, j’ai de la fièvre”.

Et puis comme les autres gens aussi pourraient sauvegarder et restaurer, ça créerait parfois des situations embarrassantes, des moments de spleen où tu te dirais “Je n’aurais jamais dû quitter Pétrouchka, elle faisait si bien le houla-hop”, alors tu reviendrais à la sauvegarde, mais comme elle se serait dit dans le même temps, “Je n’aurais jamais dû rencontrer Athanagor”, ça serait pas super pratique, surtout que tous ces différents retours en arrière finiraient par créer un conflit de versions qui entraînerait une déchirure dans le continuum espace temps et à la fin, juste parce que tu te serais dit non, finalement, les croissants, c’était bien, une chose en entraînant une autre, tu finirais par te retrouver dans un présent parallèle où des limaces bleues de sept mètres de haut ont établi une dictature militaire.

Et maintenant, une page de publicité !
– Moi, depuis que je lis le Sens du poil, je me sens bien au sec, vraiment protégé !

Au Nord, c’était la Corogne

September 26th, 2013

Je ne sais pas toi, mais Deportivo sort un nouvel album cette année. J’aime bien Deportivo, mais je ne t’en ai jamais parlé ici, déjà parce que je sais pas si c’est bien vu de dire ça en société et surtout parce que les paroles de leurs chansons sont super alambiquées. Comprenne qui pourra. Tellement que parfois, elles donnent l’impression que Noir Désir, c’est limpide. Alors pour en parler, je suis un peu dans la panade.


Deportivo – Domino

Au début, je me disais c’est bizarre, ça s’appelle Domino et ça ne parle pas du tout du célèbre jeu de dominos, c’est bizarre, depuis quand les gens font des titres qui n’ont rien à voir avec le contenu ? si on commence comme ça, après, c’est l’anarchie, et personne ne veut de ça, ou alors à la limite les anarchistes.
Puis j’ai compris. Domino, c’est le nom d’un chat. Probablement d’un chat noir et blanc, comme Raoul, ma grosse chatte.

Dans mes rêves indicibles

Parfois, les chats, ils rêvent, et c’est trop mignon, ils agitent leurs petites pattes, trop chou. Seulement, ils ne peuvent pas nous raconter. D’une part parce que ça nous choquerait de savoir que ces douces petites créatures duveteuses, dans leurs songes, trucident force gibier. D’autre part parce qu’un chat, ça ne parle pas.

Et dans mes guerres de tranchées

Les chats, des fois, ils se cachent pour attaquer leurs cible et c’est trop mignon parce qu’ils sont tapis derrière une chaise alors on les voit trop, lol, trois millions de vues sur YouTube s’ils n’avaient pas fait tomber la caméra en se jetant dans nos jambes, lol, trop chou.

I was waiting for you
I was waiting for you

C’est vrai que quand on rentre, souvent, c’est très réconfortant de voir que le chat nous attend, des étoiles plein les yeux, pour réclamer sa bouffe alors qu’il a déjà eu y a cinq minutes.

Dans mes prisons invisibles

carton

Quand j’aimais tout gâcher

Oh, il a tout déchiqueté son carton, trop mignon, mais dommage, c’était un carton précieux.

I was waiting for you
I was waiting for you

Par contre, normalement, ils ne le disent pas en anglais, mais en miaulant.

Tu dis:
“Attends, attends, je vais t’apprendre

Naïf, le maître de Domino pense pouvoir lui enseigner les bonnes manières.

Ici
Il n’y a, il n’y a rien à comprendre
Oublie

Non, pas les pattes sur le àlk SND… Oh, le clqvier frqn4is, trop chou !

Reviens ici, reviens m’attendre
Aussi”

Je crois qu’ils se sont trompés et qu’ils voulaient dire Assis ! pas aussi. Mais ça ne marchera pas.

Dans mes prisons invisibles
Dans mes Verdun bon marché

Qu’est-ce qu’il est Poilu, ce chat ! Il va encore aller se cacher dans mes pulls en soie quand je vais devoir passer l’aspirateur, lol.

I was waiting for you
I was waiting for you

Il mange vraiment beaucoup, non ?

Dans mes printemps insolites
Quand je visais à côté

Ah ben oui mais ça, un mâle pas castré, c’est le problème, hein…

I was waiting for you
I was waiting for you

Au début, je croyais que la chanson s’appelait Waiting for you.

Tu dis:
“Attends, attends, je vais t’apprendre
Ici
Il n’y a, il n’y a rien à comprendre
Oublie
Viens me chercher, reviens m’attendre
Aussi
Il y a deux c½urs à défendre”

Je pense que le maître de Domino surcompense sa relation à son félidé en raison d’un trouble affectif, mais bon c’est vrai qu’on s’y attache à ces petites bêtes, mais oui ! mais oui !

Oh nos peurs associées,
Mes trombes

Le chat a peur de l’orage. Trop mignon.

et ton parapluie

Son maître, lui, a peur de la saison finale de “How I met your mother”.

S’épousent en descente

Du coup, le chat part en courant dans un sens, le maître part en courant dans l’autre et tout le monde se casse la gueule, quatre millions de vues sur YouTube.

Dans mes pensées réversibles

Ah ben oui, un chat, c’est pas toujours hyper carré dans ses pensées, il poursuit une mouche, trop chou, après il se rendort, trop mignon, puis tout à coup il se souvient qu’il n’a pas réclamé à manger depuis cinq minutes, trop craquant. Oh trop chou, il ronronne, oh trop mignon, il a changé d’avis et vient de me lacérer la main, pas grave, j’en ai une autre, lol.

Dans mes principes au rabais

Et ça a peu de principes, ma grosse chatte par exemple n’hésite pas à se faire caresser (dans le sens du poil) par tous mes invités.

I was waiting for you
I was waiting for you

On sent bien que c’est l’idée importante de la chanson, quand même.

Dans mes erreurs infaillibles
Quand je visais à côté

“Oh non mais le gronde pas, il a pas fait exprès de rater sa caisse pour la quarantième fois de la semaine oh non regarde ses petites oreilles trop chou”

I was waiting for you
I was waiting for you

Tu dis:
“Attends, attends, je vais t’apprendre
Ici
Il n’y a, il n’y a rien à comprendre
Oublie
Reviens ici, reviens m’attendre
Aussi
Il y a deux c½ur à défendre”

C’est une très belle chanson, porteuse d’espoir, d’attente et d’une petite tache noire sur le museau trop chouqui.

Et maintenant, une page de publicité !
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– Oh, Jean-Pierre, comment vas-tu ?
– Très bien, grâce à mon nouveau Le sens du poil.
– Ca alors.
– Hé oui.
(Au même moment, mais ailleurs)
– Dis-moi, Gunda, as-tu travaillé sur les slogans pour Le sens du poil ?
– Oui. Ils sont super.
– Comme le sens du poil !
– Non.

La rentrée littéraire

September 25th, 2013

Bon. Cette fois je crois que je peux officiellement officialiser le truc. Donc.

Il y a quelques temps (très longtemps, en fait, mais après j’ai eu un appel urgent), j’ai décidé de recueillir quelques-uns des textes ici écrits ces dix dernières années pour en faire un livre. Un vrai, en papier, avec des numéros de page et tout. Même que je suis très content. J’espère qu’il vous plaira.

Il s’appelle “Le sens du poil”, il est édité chez “The book edition” et on peut y accéder par exemple en cliquant là.
Acheter Le sens du poil

Donc vous pouvez le commander, si vous voulez, l’offrir à votre vieille grand-mère sourde (par contre, comme c’est imprimé à la commande, ça prend quelques jours mais après tout, le temps c’est de l’amour et l’amour est enfant de Bohême), en parler à des amis. Ce genre de choses. Faire de la pub, aussi, un peu, vu que je suis très mauvais à ce jeu-là.

Et puis comme si je m’appelais Oscar, j’aimerais dire que plein de gens très merveilleux m’ont aidé pour le fabriquer : Marie à la relecture finale et à la mise en page, Barbara à la couverture, Pina, Mlle Cassis, Mlle Funambuline, Francis, Mao, aux relectures pas finales, Clot, Aurélia, Estelle, Léandre, Luria, Cali et Paul pour ah ben je peux pas vous dire quoi vous verrez quand vous l’aurez acheté, Fofo, Calamity, Gootsy et Loser, baby, au choix des textes et voilà j’espère que je n’ai oublié personne.

Oh, moi, de toutes façons, la musique électronique, à part Jean-Michel Jarre…

September 17th, 2013

Jadis, lors que nos vaillants ancêtres vivaient encore dans des cavernes, les soirées étaient longues et la promiscuité si omniprésente qu’il n’existait même pas de mot pour dire promiscuité. Or, si tu as été en colonie de vacances ou au service militaire (ce qui est sensiblement la même chose mais ne nous éloignons pas du sujet, veux-tu), tu sais bien que forcément, ça crée des tensions. Selon un fameux modèle mathématique, si x personnes sont enfermées dans y mètres carrés pendant z jours, forcément, ça crée des tensions.

Il arrivait fréquemment, par exemple, qu’on se batte comme des chiffoniers pour la possession d’une peau de mammouth. Et il n’existait à l’époque aucun système juridique destiné à trancher en cas de litiges, d’où cette expression célèbre : “Pelisses partout, justice nulle part”.

C’est alors qu’une dénommée UhGruhrrka l’aveugle, parce qu’elle était aveugle, eut l’idée d’édicter des codes et des règles de la vie en société. Et que ceux qui ne les suivaient pas seraient enfermés dans des cages.

L’idée sembla intéressante à ses cogrottiers. Mais il fallut bien des palabres, parfois musclés, avant de réussir à se mettre d’accord sur les premières lois. Tout le monde amenait sa pierre à l’édifice, parfois à coups de gourdin. Certains voulaient interdire de tuer les gens, parce que quand même, ça ne se fait pas, d’autres pensaient que tuer c’est ok, parce que ça ne dure pas longtemps, mais jouer de l’ossement après 22 heures, ça c’est pénible, si on commence par tolérer ça jusqu’où ira-t-on ? Puis il fallut bien d’autres palabres, parfois musclés, pour savoir si toutes ces règles étaient rétroactives vu que UhGruhhhhhhhhhhhr il a quand même cogné un peu fort sur UuUhGr la fois où on a évoqué l’interdiction totale des concerts de Michel Sardou.

Puis il fallut se mettre d’accord sur les sanctions en cas de non respect, car sinon comment veux-tu qu’on les respecte, toutes ces lois ? et bon, on se rendit assez vite compte qu’on ne pouvait pas condamner les gens à la même peine (en général : être désigné volontaire pour aller voir si les tigres à dents de sabre qui rôdaient dans le coin sont allés voir ailleurs ou non, pas encore) pour avoir occis un voisin ronfleur à coups de gourdin ou pour avoir fini tout le cuissot sans demander à personne s’il en voulait encore. Comme on avait finalement laissé tomber la rétroactivité, cela donna une fois de plus à des dialogues musclés et à ce moment-là de l’histoire, la justice avait déjà fait dix-huit morts.

Enfin, il fallut désigner des spécialistes du droit intercavernal, dont le métier était de connaître par coeur toutes ces lois pour pouvoir décider si les gens les avaient vraiment violées ou juste un peu, et d’autres gens pour leur dire mais non votre interprétation est contestable, et ça se finissait régulièrement dans le sang, les larmes et le gourdin.

Mais finalement, on parvint à se mettre d’accord. Seulement, contre toute attente, il y avait toujours des infractions au code de la caverne. Alors on se dit que tout ça, c’était de la faute d’UhGruhrrka l’aveugle et on la condamna à la peine capitale, être privée de dessert à vie.

CM b

September 10th, 2013

– Alors je vois sur votre CV que vous avez été Community Manager imaginaire d’un blog en déliquescence… Très bien, c’est exactement ce que nous recherchions, vous êtes engagée.
– Oh mais y a pas d’entretien avant ? Parce que j’avais super potassé, j’avais même réussi à me trouver trois défauts LOL
– Non non mais c’est bon, quelqu’un d’imaginaire ce sera parfait pour qu’il n’y ait pas trop de fuite, vous êtes donc la nouvelle consultante en réseaux sociaux des conseillers fédéraux helvétiques.
– Trop bien.
– Non parce que voilà, il paraît qu’on est un peu en retard dans le domaine et tout, alors on voudrait quelqu’un qui nous aide à optimiser notre présence en ligne, tu vois ?
– Ouais. Alors le truc, c’est de ne pas se contenter de communiquer, à l’ancienne, mais d’interagir. C’est important, interagir. Par exemple, quand kikidoo2732 dit “LOL lé conseillés fédéros ça veut dire qu’ils font des rots ? mdrrrrrr”… non ça c’est bon, on peut ignorer. Mais il faut montrer que vous êtes à l’écoute des attentes du peuple.
– Ah ouais, un peu comme dans une Landsgemeinde virtuelle.
– Non.
– Bon, mais alors par exemple, là, le Conseil fédéral a pris connaissance du résultat de la procédure de consultation relative à la loi fédérale sur la mise en ½uvre des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), révisées en 2012. Cette nouvelle loi contient des
– Non.
– Ah bon.
– Non, il faut montrer que vous vous intéressez à ce qui touche le peuple… vous allez regarder le match, ce soir ?
– Ah ben d’un oeil, j’ai séance avec la communauté d’intérêt en faveur de
– Putain non mais non. Annule, Ursule.
– Je ne m’appelle pas…
– Je veux pas le savoir. Bon. Donc tu suis le match et tu commentes.
– Donc je fais comme Joël Dicker, en gros, je parle de sport et je retweete chaque fois qu’on me fait un compliment.
– Et, surtout, tu montres que tu es pote avec Stan Wawrinka. Très important, ça.
– Très bien mais je ne voudrais pas donner l’image de quelqu’un qui laisse le travail au second plan, et par ailleurs nos amis norvégiens avec lesquels nous sommes actuellement en train de réviser le traité sur la pêche en eaux troubles…
– Trop long, pas écouté.
– Bon ben ok, le match. Et à part ça ?
– Une opinion sur le dernier Stromae ?
– Formidable. LOL.
– Voilà. Et je t’ai préparé une liste de 640 séries à regarder chaque semaine.
– 640 ? parce que j’ai du boulot aussi un peu.
– Tu veux briller sur Twitter ou bien ?
– ben, juste renforcer ma présence en ligne afin de…
– Ok alors les séries, c’est bon, maintenant les films et la musique…
– Bon. Je vais demander à mon stagiaire de se charger des films.
– Non. Ça doit être du personnel. Il peut pas écrire les discours, plutôt ?
– Ben pas celui sur la révision de l’accord sur les échanges internationaux de viande séchée, c’est sensible.
– Bon. C’est pas gagné. Le mieux, ce serait plutôt de tenter un tweetclash.
– Un quoi ?
– Il faudrait se disputer avec quelqu’un, mais sur Twitter.
– C’est à dire que je suis très attaché à la recherche du consensus, qui est une des valeurs fondamentales de la politique helvétique et je pense que même entre adversaires politiques, une certaine courtoisie se doit de…
– Non mais tu y mets aucune volonté. Attends laisse-moi faire. Alors… @kikidoo2732 et ta mère, elle fait des râles ?
– Quoi ? Mais c’est nul.
– 32 712 RT à l’heure qu’il est.
– Ah oui. Pas mal.
– Bon. Silence. Le match commence.

Hate-toi lentement

August 6th, 2013

Internet a vu l’émergence d’une nouvelle catégorie de gens : les haterz. Des êtres aigris et frustrés qui, bien à l’abri derrière leurs écrans, se permettent de ne pas être d’accord avec toi.

Avant, cela n’existait pas. Dès que quelqu’un faisait quelque chose, tout le monde l’applaudissait et on dansait ensuite la traditionnelle ronde de l’amitié. Evidemment, le système avait ses limites. J’ai visité une exposition consacrée à Miró, récemment, un peintre espagnol, et on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il aurait fait une tout autre carrière si quelqu’un lui avait un jour dit que oui bon ok, c’est joli, tout ça, mais ça ne ressemble pas à grand chose, tout de même.

Mais aujourd’hui, à cause d’Internet, les haterz se permettent tout. Attention, le terme est tout de même équivoque : haterz peut se traduire par haïsseurz. Mais ces gens-là ne viennent pas brûler votre maison, crever vos pneus et votre chat, boire votre whisky, le genre de petites choses amusantes qu’il arrive parfois à tout un chacun de commettre sous le coup de la colère. Non. Ils font bien pire que ça. Ils salissent votre e-reputation en se permettant de critiquer. Alors que bon, peuvent-ils faire mieux ?

Et ils se planquent partout, les saligauds. Ainsi, l’autre jour, mon neveu imaginaire Pacheco* est revenu de l’école en larmes. Car oui, les haterz, du haut de leur tour d’ivoire, n’ont pas peur d’aller jusqu’à faire pleurer les gens. Il était bouleversé par ces mots assassins tracés à l’encre rouge comme un chasseur tragique par une enseignante cruelle : “bel effort, mais attention à ton orthographe !” L’orthographe. Le dernier bastion des haterz. Quand on ne sait plus quoi inventer pour râler, on s’en prend à l’orthographe ! C’est tellement facile ! Oui, oh, je sais, il s’agissait d’une dictée, mais tout de même, n’y a-t-il pas des choses plus importantes alors que des millions d’enfants meurent de faim en Afrique ?

De même, mes amis imaginaires Horton* et Wiaczek*. Je les invite à manger à la maison, je leur prépare leur plat préféré, des steaks avec de l’huile, je passe la journée à les préparer, je les laisse mijoter des heures et eux, tout ce qu’ils trouvent à me dire c’est : “ça sent pas un peu le brûlé ?” Franchement. Des choses pareilles. C’était bien la peine de voter socialiste.

De la même manière, quand j’ai demandé à mon amante imaginaire Pernilla*, avec le tact qui me caractérise : “Alors, petite, heureuse ?”, elle a répondu, car vraiment, les jeunes d’aujourd’hui ne respectent plus rien : “ma foi, après un démarrage surprenant, mais vaguement dérangeant, on regrettera certaines longueurs dans le déroulement et, surtout, un dénouement totalement prévisible” (c’est la dernière fois que je drague sur SensCritique). Comme je ne suis pas de nature à laisser l’affront impuni, j’ai répondu “Ouais ben pareil, d’abord”. Mais au fond de moi, je ne lui en veux pas, car je sais que ce qui motive ces gens, ces haterz, ce sont la jalousie, l’aigreur. Qu’ils doivent être tristes, au fond de leurs c½urs desséchés, ces gens qui ne savent plus s’émerveiller ! Ne savent-ils pas que la haine entraîne la violence et la guerre ?

* Tous les personnages fictifs utilisés ici sont purement fictifs.

Woo hoo

July 28th, 2013

Chanson 2 – Flou.
(paroles via lacoccinelle.net)

I got my head checked

J’ai fait contrôler ma tête
Il s’agit donc d’une chanson de type médical : le narrateur ressent de violentes céphalées après un concert d’Oasis et décide d’en référer à un médecin. C’est une attitude prudente.

By a jumbo jet

Par un jet jumbo
Dans les années 90, la médecine était balbutiante. Aujourd’hui, on utiliserait plutôt un Boeing.

It wasn’t easy but nothing is
No

Cela n’a pas été facile. Mais rien ne l’est. Non.
Alors forcément, les examens de la tête, ça fait toujours un peu mal, mais très philosophe, le narrateur se souvient que pendant de temps-là, des enfants meurent de faim et des gens vont délibérément assister au concert de Saez.

Whoohoo!

Wouhou
Alors il se dit que finalement, ça ne va pas si mal. Il choisit d’exprimer sa joie.

When I feel heavy metal

Quand je sens le métal lourd

Mais tout de même, le moment où il faut faire passer la carlingue de l’avion à travers le lobe frontal supérieur est un brin douloureux.

Whoohoo!
And I’m pins and I’m needles

Et je suis pin’s parlant TF1 épingles et aiguilles
Ça pique.

Whoohoo!
Well I lie and I’m easy

Eh bien ! Je mens, et c’est facile.
Mais comme il ne voudrait pas passer pour une mauviette, il fait semblant de rien.

All of the time I am never sure
Why I need you

Tout le temps, je ne suis jamais sûr de pourquoi j’ai besoin de toi.
Soudain, il se demande s’il a bien fait de consulter ce docteur, qui a tout l’air d’être un charlatan.

Pleased to meet you

Enchanté !
Mais, comme il est anglais, il n’en oublie pas la politesse ! Prenez-en de la graine.

I got my head down
When I was young

J’avais la tête en bas quand j’étais jeune.
Soudain, rebondissement : on apprend le lourd passé de gymnaste du narrateur ! Serait-ce là la raison de ses soucis de santé ?

It’s not my problem
It’s not my problem

Ce n’est pas mon problème. Ce n’est pas mon problème !
Peut-être. Mais il s’en fout.

Whoohoo!

Wouhou !
D’ailleurs, il a l’air plutôt bien portant, non ?

When I feel heavy metal
Whoohoo!
And I’m pins and I’m needles
Whoohoo!
Well, I lie and I’m easy
All of the time and I’m never sure
Why I need you
Pleased to meet you

C’est une très belle chanson porteuse d’espoir et de woohoo grâce aux progrès de la médecine.

Mashed pumpkins

July 25th, 2013

Parfois, des groupes de rock se reforment, vingt ans après. Aucune loi ne peut l’empêcher. Les scientifiques voient à cela trois raisons principales : l’ennui, la piscine du petit qui a besoin d’une deuxième couche de peinture, le constat inéluctable que le temps passe et que ça fait bien cinq ans qu’on n’a plus pecho de groupie, et encore, elle avait confondu avec Liquido.

En général, le public y va quand même. Et même, il apprécie. Malgré les kilos en plus, malgré l’évident plaisir d’être là mais si on pouvait se dépêcher un peu, y a une rediffusion des Experts ce soir, alors pour les rappels, on les fera un autre soir, bisous, malgré le fait que du groupe d’origine, il n’y a en fait plus qu’un roadie, malgré cette insistance malsaine à vouloir jouer des titres du dernier album.

Imagine si tout le monde faisait pareil. Imagine.

– Bonjour, je viens trier les cornichons !
– Monsieur ? Ça fait quinze ans que l’usine a fermé.
– Ah zut, parce que ç’avait été mon premier job d’étudiant et je voulais faire une tournée d’adieux.
– Ah. Bon. Ben adieu.
– J’étais doué, vous savez ! 93% de cornichons positifs !
– Il faut partir.
– Vous fabriquez quoi, maintenant ?
– Des trombones.
– Je peux les trier ?

***

– Rodomund, viens te coucher !
– Je peux pas, je potasse l’histoire, là.
– Hein ?
– Oui, j’ai décidé de repasser le bac. Mais cette fois, je gagne.
– Tu veux pas juste ouvrir un blog et faire un faux corrigé du bac philo, comme tout le monde ?

***

« Terrible nouvelle. L’ancienne championne de tennis Martina Hingis aurait été surprise errant seule avec une machine à laver près d’un court de tennis et balbutiant “Je vais tenter un seizième comeback”. Elle était poursuivie par une horde de journalistes de L’Equipe qui voulaient savoir s’ils pouvaient titrer “Martina se remet sur les rails”. »

***

– Alors, qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce come-back ?
– Pardon ?
– Un come-back, c’est par exemple quand on avait disparu et on se reforme le temps d’une tournée. En français, ça s’appelle reviens, mais comme c’est déjà un nom de stylo on préfère dire come-back.
– J’entends bien mais il ne s’agit pas d’un come-back puisque nous n’étions jamais partis.
– Vous êtes dans le déni.
– La malice.
– Non. Alors pourquoi ce come-back ?
– Je vous jure que… Bon et bien, souvent, le public nous demandait quand les BB Brunes se reformeraient et…
– Ah mais vous êtes les BB Brunes, ok, pas les Forbans ! Pardon ! Bon ben je dois vous laisser.

Stage up

July 18th, 2013

Il y eut d’abord l’incident du Montreux Jazz. Une bête erreur, à peine de quoi agiter un peu des journalistes plongés dans la torpeur estivale. Puis cette blague de potache dans une rédaction californienne. Des maladresses, mais rien de bien méchant.

C’est ce qu’on se disait à l’époque.

Puis les incidents se multiplièrent, se radicalisèrent. Les louches de strychnine malencontreusement lâchée dans le café matinal. Les attentats à la photocopieuse piégée. Partout dans le monde, les stagiaires se rebellaient. Ils étaient nombreux, ils étaient déterminés, ils étaient organisés. C’est évidemment en France, où ils représentaient, à l’époque, 50% de la population active, que leur action fut la plus rapide.

Ils étaient partout. Dans les bureaux, dans les rédactions, à la Maison-Blanche, impossible d’échapper aux stagiaires. Très vite, ils prirent le contrôle de la plupart des grandes entreprises. Puis du monde entier.

Nous pensions “ça ne va pas durer, ils vont demander une augmentation ou des jours de congé et ils vont se lasser”. Mais ils avaient pris goût au pouvoir. Ils ne voulaient pas le lâcher. Ils n’en faisaient pas grand chose, pourtant. Ils continuaient d’agir comme ils l’avaient toujours fait : avec énormément de zèle et d’application, ils mettaient à jour leur statut Facebook ou regardaient fixement le temps passer. Ils ne prenaient jamais la moindre initiative, ils faisaient toujours un peu la gueule. Finalement, cela nous rappelait pas mal le monde d’avant alors nous ne fîmes rien. Nous leur apportâmes leur café.

Mais avec de grands pouvoirs vient une grande ivresse du pouvoir et c’est là qu’ils faillirent : ils se mirent à engager des stagiaires.